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Theatre as Laboratory: Exploring the Fabric of Humanity with Les Inachevés / Théâtre comme Laboratoire: Explorer et Fabriquer l’Humanité avec Les Inachevés

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Moïse Touré, fondateur et directeur artistique des Inachevés (Grenoble, France), a mené des projets interdisciplinaires d’envergure en Europe, en Afrique, en Asie, aux Caraïbes et en Amérique. Au cours des vingt-cinq dernières années, il a mis en scène les œuvres de Marguerite Duras, Jean-Paul Sartre, Bernard-Marie Koltès, Jean-Marie Gustave Le Clézio et Jean Racine – non seulement en français, mais en bambara, espagnol, portugais, berbère, japonais et dialecte arabe.

En 2012, un engagement pour inventer de nouveaux rapports à l’acte théâtral l’amène à repenser la forme de sa compagnie et à créer l’Académie des savoirs et des pratiques artistiques partagées (intergénérationnelles). Depuis lors, des projets innovants de la compagnie se déroulent dans des centres culturels, des espaces urbains, des écoles, chez des particuliers et ont inclus, aux Etats-Unis, Awaiting the Arrival of Dawn dans le Mission District de San Francisco et Awaiting Dawn (les grecs et nous) dans l’école internationale franco-américaine de San Francisco. En France, Utopies Urbaines – citoyen acteur, Promesse Factory et Héroïnes des 4 vents sont parmi les projets récents de la compagnie qui réunissent des artistes professionnels et des participants-citoyens. Le projet principal interdisciplinaire actuel des Inachevés est Hospitalité : Fabrique d’Humanité qui se concentre sur le thème de l’hospitalité à travers des ateliers, des événements, des vidéos et des portraits photos dans quatre villes de France et quatre quartiers de N’Djamena, au Tchad.

Certaines productions de la compagnie prennent encore des formes plus traditionnelles, comme sa création sur le thème de l’avenir de l’Afrique, 2147, Si l’Afrique disparaissait ? et La Nuit Sera Calme, développée en collaboration avec la chanteuse-auteure-interprète malienne Rokia Traoré. En 2022, cependant, Moïse a recadré le travail de la compagnie comme un Laboratoire où on peut examiner chaque aspect de son activité pour développer de nouveaux outils qui répondent aux défis de l’époque.

Hospitalité : Fabrique d’Humanité, Un projet des Inachevés, l’Académie des savoirs et des pratiques artistiques partagées (intergénérationnelles). Conception et mise en scène de Moïse Touré. Des photographies des participants de Chambéry dans les Rencontres avec l’Hospitalité, à Espace Malraux, Scène Nationale Chambéry-Savoie. Photos de Joao Luiz Bulcao et Laura Nury.

Michelle : Je voudrais commencer avec ce que tu fais en ce moment-ci, en préparant la prochaine étape de ton travail et surtout ta conception du théâtre comme Laboratoire et lieu d’expérimentation. Tu peux me parler un peu de ça?

Moïse : En fait, en 2020, je voulais travailler sur la question de l’hospitalité. C’était le sujet que j’avais et puis l’épidémie est venue percuter sur cette thématique. A la fois cela a été terrible car on n’a pas pu faire tout ce qu’on voulait faire. Mais en même temps quelque part cela a aussi été une chance parce que ce thème–là me permettait en fait de faire face. Des fois tu es face à des questions ou à des problématiques, mais tu ne sais pas par quel bout commencer. Tu ne sais pas quelle est la dynamique que tu vas enclencher pour pouvoir faire des choses. Mais là pour moi c’était le contraire et j’ai dit finalement, ce thème–là il est juste par rapport à ce qu’on est en train de vivre… Cette question de l’hospitalité, à l’intérieur de cette question, il y a la dynamique qui peut me permettre de répondre aux défis que nous avons vécu, que nous avons chacun. –

Ça a commencé comme ça et quand j’ai retravaillé le projet en 2021, j’ai essayé de dessiner trois axes dans ce travail de l’hospitalité. Le premier axe c’est l’hospitalité et l’humanité –la dynamique entre hospitalité et humanité. Le deuxième c’est l’hospitalité et l’habitabilité –comment habiter le monde. Et le troisième axe, c’est l’hospitalité et la tragédie, parce que c’est vrai que quand on parle de l’hospitalité, on pense toujours à quelque chose de très heureux. Mais, en fait, il y a beaucoup de gens quand la question de l’hospitalité se pose pour eux, ils sont dans la tragédie. Il y a la guerre aujourd’hui en Ukraine –et on accueille aujourd’hui les Ukrainiens, c’est dans la tragédie.

Donc, c’est les trois thèmes que j’ai dessiné pour travailler et puis quand l’épidémie est arrivée. Ça a dynamité on peut dire un imaginaire que l’on avait. Ça a dynamité aussi les récits et on n’est plus dans la capacité de faire des récits qui racontent la communauté. Donc, ça a mis en panne beaucoup de choses. Donc, dans cette panne–là, comment la question de l’hospitalité peut me permettre de retravailler, de repenser? Pas simplement pour faire… mais quels modèles pouvons-nous inventer aujourd’hui pour y faire face? Les modèles que nous avions avant l’épidémie ont du mal. L’épidémie a permis de voir qu’elles n’étaient plus en possibilité de faire quelque chose, d’amener une dynamique de travail ou de penser.

Donc, c’est là où je te disais hier soir qu’au même titre de quand on a créé l’Académie en 2011, c’est la même chose, c’est-à-dire, ce sentiment que quelque chose est terminé et qu’il faut inventer un espace de travail différent. Et la création d’un espace c’est aussi la création d’une pensée différente. Ce laboratoire c’est aussi de dire qu’on ne peut pas laisser la question de l’expérimentation, la question de la recherche, à la science pure. Il faut aussi que ceux qui travaillent sur l’artistique, la sociologique, l’écologique –qu’ils s’approprient ces espaces d’expérimentation. Donc, d’où la question d’aller vers la création d’un laboratoire qui prend en charge à la fois la question de l’hospitalité, mais aussi peut accueillir tous les processus, toute la réflexion et le comment-faire, des modes de penser. Qu’est-ce qu’il y a de nouveau? Qu’est-ce qu’il y a de l’ancien qui peut être revisité? Qu’est-ce que la nouvelle demande?

Enfin finalement, il y avait dans ma réflexion, c’était déjà à l’origine, c’était de dire l’on ne peut pas faire communauté si l’on ne s’occupe pas de l’individu. Il faut d’abord s’adresser aux individus et après construire la communauté. Donc aujourd’hui l’épidémie nous a remis à notre position d’individu–c’est à dire elle est venue comme une rupture et chacun de nous s’est trouvé dans sa propre solitude, dans sa propre réalité -mais pas en lien avec les autres.

Il faut partir de ces individus pour aller vers une construction de la communauté, ou du commun. Donc, ça ne peut se passer que par le laboratoire, parce que chaque individu a vécu la chose dans son corps, dans sa tête… ça l’a modifié… ça a joué sur son intimité, joué sur son imaginaire, joué sur les récits qui lui font activer. Donc, si l’on doit travailler sur ces choses-là, le laboratoire c’est une bonne chose parce qu’elle va permettre d’aller le plus loin possible, de voir chaque individu–de l’accueillir, le comprendre, tisser des liens avec lui dans l’intimité, créer des dynamiques qui le font activé et après d’aller vers la construction de la communauté, ou quelque chose de commun. Quels sont les modes de relation avec les gens? Comment peut-on les convoquer aujourd’hui? Comment peut-on leur parler des récits? Comment peut-on leur parler même d’œuvre d’art?

Michelle: Ça fait un bon moment que tu es un artiste qui est en expérimentation. Quand je t’ai rencontré il y a 15 ans, déjà tu construisais des projets multimédia, qui intégreraient des générations différentes, qui allaient à la rencontre des gens. Ça fait un bon moment que tu es en train d’inventer ou de réinventer des formes. Avec l’idée de Laboratoire, raconte ce qui peut être une continuité de ce travail en marche, et ce qui serait de nouvelles formes?

Moïse : Bien sûr. Je pense que j’ai toujours eu dans mon travail une dimension recherche, une dimension expérimentale–ça, c’est vrai. Là, la différence quand même c’est que, là, je pense qu’on n’a pas de choix. Avant on pouvait dire ‘je vais expérimenter ou pas expérimentée -c’est pas grave’. Là aujourd’hui, la différence fondamentale, c’est que l’on n’a pas de choix. Aujourd’hui, tu ne peux que faire de l’expérimentale, parce qu’il y a eu cette révolution qui est en cours, qui n’est pas encore terminée. C’est juste le commencement. Donc, le laboratoire est là pour dire on va commencer quelque chose, mais l’on ne sait pas où on va. Le laboratoire va intégrer le doute. Le laboratoire va intégrer l’incertitude. Le Laboratoire va intégrer l’état dans lequel on est -émotionnel, psychologique, social, artistique. Le laboratoire va dire aussi comment les questions qui nous sont posées par l’écologie, c’est à dire, par le vivant -que l’on n’est pas simplement seuls, on est avec d’autres vivants…

L’écologie va devenir aussi un endroit d’expérimentation. Et c’est même l’écologie qui va nous obliger à inventer–de pensée, d’imaginaire, de réalité. Comment on va convoquer l’écologie sur le plateau de théâtre? Comment on va convoquer l’écologie dans notre rapport au public? Qu’est ce qui est écologique dans les relations? Est-ce qu’il y a des productions artistiques durables qui respectent le vivant? Comment le théâtre devient un lieu de vie, plus simplement un lieu de spectacles?

C’est une question auquelle j’essaie de répondre, est-ce que l’artiste doit simplement s’occuper à faire société ou doit faire des œuvres? Donc, il faut lier les deux. Il faut que l’artiste fasse société -et que l’artiste en même temps produise des œuvres. Mais la chose qui a changé aussi, c’est qu’on entre en relation avec les gens et on crée une œuvre, dont le but final n’est pas une représentation. Le but final, ce sont les gens eux-mêmes qui ont fait l’œuvre, qu’ils deviennent œuvre eux-mêmes. Au fond, l’œuvre peut être une représentation du théâtre -de la danse, une vidéo, ce que tu veux. Mais l’œuvre peut aussi être une personne -ou les personnes -qui participent à une expérience.

Michelle: Alors le théâtre se fait vraiment en compagnie des gens et à des endroits aussi éclatés.

Moïse : Ça pose aussi la question du mouvement des lieux. En fait, on est dans une période où on ne peut plus assigner des lieux où on ne fait “que ça”. L’on ne va pas dire–vous êtes un théâtre, faites que des spectacles… vous êtes un musée, faites que des expositions…. Non. Il y a quelque chose qui doit être plus circulaire, plus en mouvement –parce que l’on est à la recherche du vivant.

Michelle : Quand Covid nous a mis tous un peu chez nous, d’une part, la technologie nous a donné des possibilités nouvelles. En même temps, j’ai senti les limites des lieux numériques. Alors, qu’est-ce qui offre le théâtre -ou des espaces d’échange non-numériques–que la technologie ne nous propose pas?

Moïse : Je pense que le lieu de la technologie a montré que tout ne peut pas passer par la technologie. Ses limites. Mais, quand même, quelque chose n’est pas encore clair, c’est que les lieux aussi traditionnels ne sont pas aujourd’hui capables d’accueillir ce qu’on veut. C’est le paradoxe.





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